En 2023, suite à un long parcours, je sais maintenant à 43 ans que je suis autiste. Je regarde mon passé et mon futur avec cette nouvelle vision de moi-même, et me plonge avec un appétit certain dans les différentes ressources disponibles, pour atteindre mon objectif qui n’a pas changé depuis le début : mieux me comprendre et me rendre la vie plus agréable.
J’ai deux enfants (E16ans et Q11ans) en garde alternée, un compagnon l’Ours qui habite à côté, un travail depuis 23 ans dans l’entreprise familiale avec des aménagements officieux.
En l’absence de déficience intellectuelle, un certain nombre de compétences qui sont naturelles à majorité des gens pourront parfois faire l’objet d’un apprentissage intellectuel ou d’un mimétisme pour les autistes : en général ce qui a trait aux habilités sociales et aux émotions.
Par exemple cela veut dire que si naturellement je ne souris pas toujours quand je suis contente, parce que mon câblage autistique fait que ce n’est pas naturel, je dois constamment veiller à me « forcer » à sourire aux moments qui semblent les bons, pour avoir l’air « normale » et renvoyer les bons signaux non verbaux.
Ou bien que ma palette d’émotions ressenties est très réduite et que je dois intellectuellement essayer de comprendre ce que je ressens.
Passer du temps avec son compagnon, ses enfants, ses parents frere et soeur, les gens du travail, des amis, des connaissances, des inconnus… c’est une hypervigilance pour se surveiller et se fondre au mieux, des masques sociaux à porter (à degrés variables suivant les situations).
Se déplacer, être dans des lieux inconnus, bruyants, odorants, ça génère de l’anxiété, vouloir « bien se comporter aussi » et dans cet état il faut en plus veiller à penser à sourire aux moments opportuns, réfréner sa spontanéité pour dire le moins de choses maladroites et mal interprétées…
Vivre à l’extérieur de chez soi et au contact des autres c’est une sollicitation de ressources qui vont bien au delà des règles de politesse ou de bienséance qu’un.e neurotypique peut comprendre et je ne saurais pas encore l’expliquer. Mais c’est très différent de quelqu’un avec une tendance égoïste qui se surveille pour ne pas l’être. C’est plus comme passer du temps avec des gens qui parlent une autre langue.
Être autiste c’est une manière différemment involontaire d’être au monde, mais dans un monde inadapté à notre fonctionnement. C’est comme si une partie des fréquences sonores qu’on entend et qu’on émet sont différentes des vôtres. D’une part on doit gérer nos hypersensibilités sensorielles, mais en plus on est constamment en train d’essayer d’ajuster au mieux l’émission et la réception de nos échanges pour qu’on cohabite ensemble, qu’on créé ou maintienne un lien et que vous ne soyez pas trop importunés par nos différences neurologiques qui parfois blessent, heurtent, irritent ou agacent.
Une fatigue de plus en plus difficile au quotidien
On naît autiste on ne le devient pas, mais les troubles peuvent être plus ou moins compensés (en dépensant de l’énergie pour) de nombreuses années avant de devenir vraiment problématiques et de faire entamer une démarche de diagnostic.
L’impact sur la vie de tous les jours pourra être croissant lorsque les difficultés commencent à s’empiler et que les phases de récupération sont plus courtes ou compliquées : quitter son village d’enfance pour une grande ville, entrer dans le monde du travail, devenir parent, la ménopause…
Ainsi d’un jour à l’autre, d’une décade à l’autre, la capacité d’une personne autiste à faire quelque chose qu’elle semblait savoir faire avec aisance précédemment, peut s’effondrer. C’est tout aussi perturbant pour l’entourage que pour la personne concernée. Surtout quand elle n’est pas diagnostiquée.