En 2023, suite à un long parcours, je sais maintenant à 43 ans que je suis autiste. Je regarde mon passé et mon futur avec cette nouvelle vision de moi-même, et me plonge avec un appétit certain dans les différentes ressources disponibles, pour atteindre mon objectif qui n’a pas changé depuis le début : mieux me comprendre et me rendre la vie plus agréable.
J’ai deux enfants (E16ans et Q11ans) en garde alternée, un compagnon l’Ours qui habite à côté, un travail depuis 23 ans dans l’entreprise familiale avec des aménagements officieux.
Envie d’enfanter ?
Adolescente et jeune adulte je n’avais pas envie d’avoir d’enfant, parce que je ne voulais pas qu’ils soient abimés comme je l’étais moi-même. Leur futur père m’a convaincue du contraire en disant que nous serions deux pour les élever.
La grossesse qui permet d’ôter le masque
J’ai beaucoup aimé ma première grossesse, j’avais alors 27 ans et cet état particulier me permettait des excentricités refoulées : me reposer davantage, pouvoir dire que je suis sensible aux odeurs, avoir des aliments fortement préférés, me balancer quand je suis dans une file d’attente…
Autonomie privilégiée
Dès leur plus jeune âge j’ai opté pour une éducation positive, avec bienveillance, et la culture de l’autonomie : langue des signes pour bébé, éducation sans violence, les laisser assumer les conséquences naturelles de leurs actes, diversification alimentaire menée par l’enfant, nombreuses activités Montessori, etc.
J’ai aussi mis en place de nombreuses astuces pour me et leur faciliter le quotidien :
- des routines visuelles magnétiques pour le matin et le soir,
- des Time timer1 en veux-tu en voilà,
- un ordre très spécifique pour se préparer le matin permettant de ne jamais partir ou arriver en retard à l’école,
- manger tôt le soir (nous avions vécu en Allemagne, et avons continué longtemps de manger à 18h30),
- un coucher en autonomie mais un couvre feu à partir duquel je ne suis plus disponible (19h pendant plusieurs années),
- le « moment calme » en début d’après midi pendant lequel ils pouvaient jouer ou lire (et moi me reposer),
- etc.
Ces routines et rituels étaient bénéfiques pour eux, certains (comme le coucher tôt) étaient vitales pour moi et je comprends mieux pourquoi aujourd’hui.
Parfois difficile de ne pas culpabiliser du choix du calme
Si j’avais socialement pu je n’aurais reçu aucune visite à la maternité lors de la naissance de mon premier enfant (je les ai restreintes à la famille proche).
Pour mon second je suis rentrée chez moi 16h après sa naissance pour fuir la nourriture terrible et le bruit du mouvement incessant de l’hôpital.
J’ai fait des choix vitaux dignes d’une mauvaise mère pour certaines personnes : préférer passer du temps à travailler qu’être avec eux, jusqu’en 2019 les mettre systématiquement au centre aéré pendant les vacances scolaires, être en temps partiel mais ne pas passer ce temps libre avec eux, etc.
Le covid 19 et les confinements de 2020 et 20212 ont été particulièrement été difficiles pour moi : passer autant de temps en leur présence (aussi adorables étaient-ils) a été très douloureux sur le plan psychique et physique, tant que j’ai à plusieurs reprises demandé à leur père de les garder davantage (merci à lui d’avoir accepté) et que j’ai été mise en arrêt maladie pour l’été 2020 car je n’étais pas capable de mener de front mon travail et les enfants à la maison.
L’importance de « faire bien »
Très longtemps j’ai eu l’impression d’accomplir un travail que je voulais bien faire, il y avait parfois une sorte de détachement affectif dans ce que j’entreprenais, une sorte de mimétisme et d’application de concepts dont je comprenais intellectuellement le sens mais pas forcement la portée émotionnelle.
Si je n’avais, avant d’essayer de tomber enceinte, aucune envie d’allaiter (pour partager les tâches et déléguer la nuit), j’ai finalement changé d’avis en constatant le côté très pratique de la chose lors de mes nombreuses recherches et lectures sur la maternité, et aussi des rencontres virtuelles que j’avais faites (coucou LN 👋) .
Je me retrouvais avec cette ambivalence de vouloir et pratiquer le maternage proximal (« ensemble de pratiques qui assurent une proximité physique et émotionnelle avec son enfant » : allaitement, cododo, portage…) avec une certaine fierté d’y arriver et la joie de voir que mes enfants grandissaient bien, tout en comptant les heures jusqu’à mon prochain moment de répit.
L’allaitement avait ses avantages, mais ce n’est que la seconde fois que j’ai apprivoisé à ma manière les poussées de croissance, ces phases de chaos après ce qui semblait être enfin un rythme établi. J’ai lu et lu et lu et partagé3 , j’ai expérimenté, j’ai trouvé ce qui marchait pour moi : accepter la fin d’une routine pour qu’une autre se mette en place, et accessoirement passer 2 jours au lit avec le glouton, des paquets de biscuits et des bouteilles d’eau.
Je savais avoir des lacunes dans de nombreux domaines, certains aspects étaient/sont palliés lors de leurs semaines chez leur père (très sociable, toujours par monts et par vaux avec ou chez des potes – d’ailleurs en compensation les enfants apprécient de rester au calme les week-end chez moi) ou par leur contact avec l’Ours. Puis j’avais tout un éventail d’accessoires liés aux émotions (des flash cards4, une roue des émotions…) à dégainer si nécessaire.
Pour conclure
Être un parent autiste qui s’ignore est d’autant plus difficile qu’on ne sait pas les motivations de certains de nos choix et de vivre avec cette culpabilité d’être atypique et de chercher à tout prix du calme et du répit.
C’est aussi la complexité d’échanger sur nos difficultés parentales en ne sachant pas qu’on ne partage pas un référentiel commun avec la plus part des gens (famille ou soignants).
En 2015, quand E16ans en avait 8 et que Q11ans avait 3 ans, j’ai écrit un billet qui s’appelle Si c’était à refaire, je ne ferais pas d’enfant
Aujourd’hui je sais que je les aime d’un amour inconditionnel, qu’ils ne sont pas qu’un travail ou une contrainte. Mes enfants font aussi de moi ce que je suis.
Maintenant ils sont assez grands, et moi assez renseignée sur l’autisme, pour pouvoir m’entendre exprimer mes besoins en comprenant que mon besoin de calme n’a rien à avoir avec l’affection que j’ai pour eux.
Quelques ressources pour la fin
- La parentalité des parents autistes https://www.youtube.com/watch?v=VsEJTe2jAeQ
- Programme soupape https://gncra.fr/wp-content/uploads/2021/01/GNCRA_Programme-SOUPAPE_VF.pdf
- Participation à un sondage https://psycho-usmb.fr/limesurvey/index.php/214164