En 2023, suite à un long parcours, je sais maintenant à 43 ans que je suis autiste. Je regarde mon passé et mon futur avec cette nouvelle vision de moi-même, et me plonge avec un appétit certain dans les différentes ressources disponibles, pour atteindre mon objectif qui n’a pas changé depuis le début : mieux me comprendre et me rendre la vie plus agréable.
J’ai deux enfants (E16ans et Q11ans) en garde alternée, un compagnon l’Ours qui habite à côté, un travail depuis 23 ans dans l’entreprise familiale avec des aménagements officieux.
Pourquoi parfois enfant si je jouais avec d’autres je faisais ce qui semblait être le petit chef ? Parce qu’il fallait suivre mes règles rigides.
Pourquoi enfant je rangeais bien correctement les boites de conserves sur les étagères des magasins d’alimentation si j’en avais l’opportunité ? Parce que ça m’apaisait.
Pourquoi je pouvais sembler insolente auprès des adultes, des profs ? Et pourquoi ça m’arrive encore ? L’autiste aime la recherche de précision, sans toujours être capable de tenir compte de si mes réponses ou questions peuvent être mal perçues : je ne cherche pas la petite bête ou mettre quelqu’un face à ses contradictions, j’essaie de comprendre une situation et de la rendre cohérente pour mon cerveau différent.
Pourquoi en société j’ai parfois besoin que l’Ours me souffle à l’oreille des évidences sociales dont je ne me rends pas compte par moi même, qu’il m’aide à rectifier des comportements pour lesquels je n’avais pas de mauvaise intention mais qui peuvent être mal interprétés ?
Pourquoi un ami de la famille m’appelait Mercredi (parce que mon visage au repos n’exprimant rien est perçu comme faisant la gueule), pourquoi je n’étais pas vraiment câline et que mes parents ont dû m’offrir le Conte chaud et doux des chaudoudoux1.
Pourquoi je suis si fatiguée, fatiguable, pourquoi je n’ai pas de vie sociale, je ne porte plus de soutien gorge (ça sert trop), j’ai les cheveux courts (les cheveux longs chatouillent trop le visage), aller au marché est un challenge (c’est bruyant, plein d’imprévus, de gens qui bougent, d’odeurs… bref autant d’agressions), je fais ma Rachel Green pour les cadeaux… parce que je n’ai pas un cerveau de neurotypique, parce que je suis autiste.
Collégienne j’ai découvert le 1er intérêt spécifique dont je puisse me souvenir et qui ne m’a pas quitté depuis : la collection d’informations « amusantes ». Je passais des heures au CDI au calme pendant la pause méridienne à lire le Quid, le Guinness Book Records, les magazines et leurs anecdotes… et 30 ans plus tard je continue ma collection avec Se coucher moins bête2 et d’autres sources.
Puis il y a eu l’informatique avec mon premier ordinateur pendant ma licence en 2000 et j’ai commencé à tordre les tuyaux, trouver des solutions, optimiser les flux, avant même de toucher au HTML. Et c’est ainsi que ce nouvel intérêt spécifique durable s’est mis au service de mon travail.
D’ailleurs en près de 20 ans de thérapies en pointillés, la psychologue qui m’a fait le bilan TSA a été la première à comprendre (et me dire que c’était normal pour certains autistes, alors que les autres disaient que « non non ça ne peut pas vraiment se passer comme ça ») quand je dis que je me sens une personne différente dans mon travail et dans ma vie personnelle : parce que très peu de compétences sociales sont requises pour faire ce que je faisais jusqu’à peu. Et c’est pour ça aussi que j’ai du mal à donner une réponse à certaines questions.
- Notes et références :
babelio.com/livres/Steiner-Le-conte-chaud-et-doux-des-chaudoudoux/91969 ↩︎ - secouchermoinsbete.fr ↩︎